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Chronique d’une vallée

20.10.2023 – Beat Mazenauer

En un siècle, le Tessin s’est transformé plus que toute autre région de Suisse. Autrefois marqué par la pauvreté, il est devenu un haut lieu du tourisme. Ce fossé est rappelé à notre souvenir par Plinio Martini dans «Le fond du sac» («Il fondo del sacco», 1970). Le drame se joue à la fin des années 1920 dans la région natale de l’écrivain, le Val Bavona, une superbe vallée sauvage partant du Val Maggia.

Comme le travail manque mais que les familles sont nombreuses, il ne reste souvent pas d’autre choix aux hommes jeunes que d’émigrer. Bon nombre d’entre eux entonnent: «America, America, America, / in America voglio andar!», ce qui ne ravit pas tout le monde dans la vallée. Les plus âgés, en particulier, craignent que leurs enfants ne reviennent jamais, soit parce qu’ils auront réussi à l’étranger, soit par honte de leur échec. Gori Valdi, le narrateur du roman de Plinio Martini, fait partie de ces émigrants. Il signe son contrat avant d’avoir pu avouer son amour à Maddalena, et quitte ainsi sa patrie l’esprit troublé.

Plinio Martini: Le fond du sac. Traduit de l’italien par Marie-Claire Gérard-Zai, Éditions de l’Aire, 2016, 240 pages. 15 francs.

Dix-huit ans plus tard, Gori rentre au pays. Maddalena est décédée peu après son départ. S’il a gagné de l’argent en Amérique, il y a aussi perdu toutes ses illusions. C’est en adoptant son point de vue que Plinio Martini, qui a passé toute sa vie dans la vallée, raconte l’âpre existence des habitants du Val Bavona. De manière évocatrice, précise et sans fard, il décrit la pauvreté, toujours accompagnée d’une certaine nostalgie.

Car la misère est adoucie par de bons rapports de voisinage et par des chansons mélancoliques dont Gori s’est langui en Amérique. De retour chez lui, le présent lui paraît insipide. Dès le début, il note: «Aujourd’hui encore, je maudis le petit train qui m’a emporté.» Son récit, semblable à la recherche d’un temps perdu, est empreint de profonds regrets. «Je commençais à comprendre que le bonheur dépend d’un rien, et que c’est précisément ce rien, qui rend les gens heureux, que j’avais perdu.»

Le roman de Plinio Martini est un récit formidable et mélancolique, c’est aussi une histoire d’amour tendre et malheureuse, mais c’est surtout un excellent témoignage historique. Il est plein de personnages merveilleux, d’histoires intenses et de destins tortueux, qui «ont presque tous réellement existé». Lui, l’auteur, ne les a que légèrement transposés par la force de son imagination.

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