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  • Politique

Ignazio Cassis – un huitième Tessinois au Conseil fédéral

17.11.2017 – Jürg Müller

Après 18 ans d’absence au sein du gouvernement, la Suisse italophone y est à nouveau représentée. La composition du Conseil fédéral respecte l’équilibre des régions mais pas celui entre hommes et femmes.

«Les premiers seront les derniers», dit l’expression d’origine biblique. Pour une fois, elle ne semble pas s’appliquer à l’Assemblée fédérale. Créant la surprise, c’est le candidat de la première heure qui a été élu au Conseil fédéral le 20 septembre, dès le second tour, avec 125 voix, soit deux de plus que la majorité absolue requise de 123 voix. Le conseiller national PLR tessinois Ignazio Cassis avait déjà été présenté comme le favori à la succession du conseiller fédéral et ministre des Affaires étrangères Didier Burkhalter, peu après l’annonce de sa démission à la mi-juin; et il a gardé ce rôle jusqu’à la fin.

Cela ne va pas de soi. Car il n’est pas rare que les candidats nommés ou désignés de bonne heure par un vote se laissent finalement distancer par les autres. Par ailleurs, Ignazio Cassis a également dû affronter des rivaux au sein de son propre parti. La fraction PLR avait en effet présenté au Parlement trois candidats: Ignazio Cassis, la conseillère nationale vaudoise Isabelle Moret et le conseiller d’État genevois Pierre Maudet. Ce dernier, outsider parce qu’il ne siège pas à l’Assemblée fédérale, a mené une campagne électorale active non seulement au Parlement, mais aussi auprès de l’opinion publique. Il s’est surtout distingué par son expérience en tant que membre de l’exécutif et homme d’action audacieux et non-conventionnel. Obtenant un résultat remarquable avec 90 voix lors d’un scrutin déterminant, il a battu Isabelle Moret, arrivée en troisième place avec 28 voix.

Glissement vers le centre-droit

L’élection d’Ignazio Cassis fait glisser le Conseil fédéral davantage vers le centre-droit. Si la gauche et les Verts n’ont certes jamais remis en cause le fait que le PLR revendique le siège au Conseil fédéral, ils ont toutefois favorisé Isabelle Moret et Pierre Maudet. Le PS estimait en effet Ignazio Cassis trop à droite et trop favorable à l’économie, lui reprochant notamment son lobbying en faveur des caisses d’assurance maladie. Pour l’UDC en revanche, le nouveau conseiller fédéral est garant au sein du gouvernement d’un bloc formé de quatre élus issus des partis bourgeois et de droite. L’UDC n’a eu de cesse de reprocher à Didier Burkhalter de faire parfois cause commune avec les deux membres du PS Alain Berset et Simonetta Sommaruga mais aussi avec la présidente de la Confédération PDC Doris Leuthard.

En principe, la concordance et la recherche de consensus implique des majorités variables. L’organe collégial n’applique donc pas une pure logique de blocs. On peut toutefois supposer que l’arrivée d’Ignazio Cassis au sein du Conseil fédéral va davantage orienter les décisions politiques de ce dernier dans la perspective des partis de centre-droit, notamment dans la politique financière, économique et la politique avec l’Europe. Ignazio Cassis adopte un discours libéral, sur le plan économique mais aussi, à certains égards, sur le plan social. Il est ainsi favorable à une dépénalisation de la consommation de cannabis et de cocaïne.

Ignazio Cassis prend la succession de Didier Burkhalter à la tête du Département fédéral des affaires étrangères. Car malgré les spéculations qui ont précédé la répartition des Départements, aucun des six membres actuels du Conseil fédéral ne souhaitait être chargé d’un nouveau ministère. Un dossier épineux attend donc également Ignazio Cassis: celui de l’UE. Il a toujours affirmé que les accords bilatéraux avec l’UE étaient indispensables tout en laissant entrevoir la possibilité de nouvelles approches en cas d’accord-cadre institutionnel controversé.

Questions liées à l’identité et symbolique

Dans les élections du Conseil fédéral, il n’est pas seulement question de politique au sens strict, d’aptitudes personnelles ou intellectuelles ou encore d’aptitudes à diriger. Les questions d’identité et de la symbolique, autrement dit du respect dans la composition du Conseil de l’équilibre dans la représentation des sexes, des cultures, des langues, des régions et des cantons, tiennent une place tout aussi importante. Cette fois-ci, avec l’élection du Tessinois Ignazio Cassis, les Chambres fédérales réunies ont accordé la priorité à la question des régions linguistiques. Pour la première fois depuis le départ de Flavio Cotti en 1999, la Suisse italophone est à nouveau représentée au sein du gouvernement: Ignazio Cassis est le huitième conseiller fédéral tessinois depuis 1848.

La Constitution exigeant une représentation équitable des diverses régions et communautés linguistiques, avec un tessinois, deux Suisses romands et quatre Suisses alémaniques au Conseil fédéral, le principe du fédéralisme est parfaitement respecté. Concernant la présence des femmes au Conseil, la situation n’est pas aussi optimale. Avec deux conseillères fédérales seulement, Doris Leuthard et Simonetta Sommaruga, elles sont sous-représentées proportionnellement à leur représentativité dans la population. Jusqu’à présent, les femmes ont été une seule fois majoritaires au sein du Conseil fédéral pendant une courte période: de 2010 à 2011, avec la présence des conseillères Micheline Calmy-Rey (PS), Doris Leuthard (PDC), Eveline Widmer-Schlumpf (PBD) et Simonetta Sommaruga (PS). La question de la représentation équitable homme/femme devrait jouer un rôle clé lors du prochain départ d’un membre du gouvernement, au plus tard lors du renouvellement intégral du Conseil fédéral fin 2019.

La nouvelle normalité entre partis politiques

Les élections du Conseil fédéral sont toujours très suivies par l’opinion publique en Suisse. Elles mettent en scène les «Royals helvétiques», nom donné aux sept Sages suisses par le professeur d’histoire et chercheur spécialisés sur le Conseil fédéral Urs Altermatt lors d’un entretien récent, autrement dit de personnalités qui jouissent d’un statut prestigieux bien au-delà de leur dimension politique. Pourtant, les dernières élections se sont déroulées sans grande surprise, à l’exception des questions de politique régionale et du personnel. Pour la première fois depuis la fin des années 90, des élections se sont déroulées sans heurts entre les partis. Le départ de la conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf (PBD) et l’élection de son successeur Guy Parmelin (UDC) en décembre 2015 avaient donné lieu à quelques escarmouches. Mais désormais, la nouvelle formule magique (2 UDC, 2 PLR, 2 PS, 1 PDC) s’est établie. Le siège revendiqué par le PLR n’a en tout cas plus été contesté.

Une longue période d’instabilité s’achève enfin. Elle avait débuté avec la fulgurante ascension de l’UDC, devenu le premier parti de Suisse en nombre d’électeurs dans les années 90 et l’érosion simultanée du nombre de voix en faveur du PLR et du PDC. L’UDC a réclamé en termes péremptoires deux sièges au Conseil fédéral, ce qui s’est traduit en 2003 par l’élection spectaculaire de Christoph Blocher et l’éviction de la conseillère fédérale PDC Ruth Metzler. Pourtant, la figure cacique de l’UDC a perdu de manière tout aussi spectaculaire les élections de 2007 et c’est sa collègue de parti grisonne Evelyne Widmer-Schlumpf qui a été élue à sa place. Puis un nouveau parti est apparu, le PBD, issu de la scission de l’UDC suite à l’exclusion de la conseillère. Pendant huit ans, Evelyne Widmer-Schlumpf reste à la présidence de la Confédération sous les couleurs de ce parti.

Les luttes incessantes au sujet de la composition politique ont longtemps mis à rude épreuve le système politique. Mais cette fois-ci encore, le système de gouvernement suisse à la stabilité légendaire, véritable pilier du modèle de réussite nationale, a encore su résister aux soubresauts politiques.

Ignazio Cassis

Né en 1961, Ignazio Cassis est marié et vit à Montagnola. Il a étudié la médecine à l’Université de Zurich et a décroché son doctorat de médecine à Lausanne. De 1988 à 1996, il a été médecin-assistant en chirurgie, médecine interne et médecine sociale et préventive. De 1996 à 2008, il a occupé un poste de médecin cantonal au Tessin et de 2008 à 2012 il a été vice-président de la Fédération des médecins suisses (FMH). Jusqu’à son élection au Conseil fédéral, il a présidé l’association des homes et des institutions sociales suisses Curaviva et la fédération des caisses-maladie Curafutura. En 2007, il a rejoint le Conseil national et a été réélu deux fois. Dès 2015, il a présidé la Commission de la sécurité sociale et de la santé du Conseil national et aussi la fraction PLR au sein de la Confédération.

Image  Le nouveau conseiller fédéral Ignazio Cassis est le 177e membre du Conseil fédéral à prêter serment devant les Chambres réunies. Photo Keystone

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Commentaires :

  • user
    Pescia Adrien 28.11.2017 à 17:49
    Dommage le Tessin aurait pu choisir une femme. Je suis tessinois d’origine mais je réside en France ou enfin la femme a acquis la place qu’elle mérite.
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  • user
    CLAUDIO ISEPPI, Las Vegas, NV / USA 22.11.2017 à 07:05
    So glad to learn that after some eighteen years a Federal Councillor from the Italian speaking part of SWITZERLAND has been elected. Congratulations, best wishes and lots of success to Ignazio Cassis!
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  • user
    Michel Piguet 21.11.2017 à 20:40
    Entre Cassis et Parmelin, notre vigneron vaudois pour le blanc, ils ont tout ce qu'il faut pour faire de bons Kirs au CF.

    À part cela, j'ai trouvé un peu dommage que la candidature féminine tessinoise ait été écartée par les Tessinois eux-mêmes. Vaincre sans difficulté, c'est triompher sans gloire.
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