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Urs Faes | S’aimer à une époque sinistre

14.08.2014 – Barbara Engel

«L’oubli ne peut pas exister; on ne peut pas oublier ce qui dépasse la raison», dit l’un des survivants du livre d’Urs Faes «Sommer in Brandenburg» («Un été dans le Brandenbourg»). Le récit, qui est en réalité une recherche historico-littéraire, commence en 1938. C’est dans le centre d’Hachschara d’Ahrensdorf près de Trebbin, l’un des foyers agricoles exploités dans l’esprit sioniste par la Représentation des Juifs allemands dans le Reich, que Ron et Lissy se rencontrent. Il est de Hambourg, elle est de Vienne. Tous deux sont issus de familles bourgeoises. Dans le foyer d’Ahrensdorf «qui prépare à l’émigration», on enseigne aux jeunes juifs l’agriculture, l’apiculture, le travail des champs et l’artisanat pour les préparer à émigrer en Terre promise où ils seront de futurs colons en Palestine.  Une histoire d’amour naît entre Lissy et Ron. Urs Faes lui donne vie en utilisant les techniques de la fiction littéraire. Les regards furtifs, les effleurements discrets, les souhaits et l’immense espoir d’un avenir commun – et d’un jour et d’une nuit ensemble peu avant la séparation. L’écrivain nous propose de partir à la découverte de la vie des jeunes dans le foyer, un lieu presque idyllique, malgré des règles sévères, un travail ardu, les doutes et les peurs, où les sinistres événements de l’idéologie raciste nazie ne pénètrent au début qu’à travers les lettres de la famille. Ces récits racontent l’exclusion, les humiliations, l’expulsion et les déportations. «Nous n’imaginions pas à quel point la situation allait s’aggraver», dit Efraim Jochmann, surnommé Efri. Au cours de sa quête sur les traces de ces jeunes juifs, Urs Faes lui rend visite à Jérusalem. Efri, orphelin de 13 ans, était le plus jeune du foyer agricole d’Ahrensdorf. «Dans ma vie, je ne me suis jamais senti aussi bien pris en main que sur cette terre agricole», explique-t-il bien plus tard. Puis arrive le jour où les nazis ne tolèrent plus non plus les foyers agricoles. Lissy reçoit peu avant l’autorisation d’émigrer avec un groupe en Palestine. Ron et Efri sont envoyés en camp de travail forcé à Neuendorf et Ron est déporté en 1943 dans un camp de concentration. Ensuite, personne ne sait ce qu’il devient. La trace de Lissy se perd quelque part au cours de son voyage vers la Palestine, ou en Palestine.«Je t’ai profondément dans la peau. Et je t’aurai dans la peau aussi longtemps que je vivrai», écrit Ron dans une lettre à Lissy. C’est sa dernière lettre dans cette histoire d’amour qui se termine tristement. Par un heureux hasard, Urs Faes a découvert cette histoire sur des photos du musée du peuple juif à Tel-Aviv et a entrepris des recherches. L’écrivain décrit l’histoire d’amour telle qu’il l’imagine d’après les informations trouvées, il interrompt la chronologie des événements avec quatre séquences basées sur des enregistrements issus de ses recherches. Au début, cet artifice stylistique peut agacer, mais les rencontres avec les témoins constituent une ­deuxième trame particulièrement émouvante.

Urs Faes, «Sommer in Brandenburg»; éditions Suhrkamp, Berlin;  262 pages; CHF 28.50, Euro 20.–; également disponible en e-book.

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  • user
    19.08.2022 à 22:51
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