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  • Politique

Tabagisme chez les jeunes: la Suisse se hâte lentement

24.03.2023 – STÉPHANE HERZOG

La Suisse figure tout en bas du classement européen en matière de lutte contre le tabagisme. En 2022, une initiative interdisant la publicité pour les mineurs a été acceptée. La prévention se heurte à la puissance du Big Tobacco.

«C’est une amélioration considérable». Co-directrice du Groupement romand d’études des addictions (GREA), Camille Robert se souvient de sa satisfaction suite à l’acceptation en février 2022 de l’initiative populaire «Oui à la protection des enfants et des jeunes contre la publicité pour le tabac». Cet article constitutionnel pourrait entrer en vigueur en 2024. «Il aboutira à une interdiction presque totale de la publicité, car rares sont les lieux ou médias auxquels les mineurs ne peuvent pas avoir accès», estime le Conseil fédéral. Ces dispositions seront intégrées à la loi sur les produits du tabac. Lancée en 2015, elle vise à réglementer une grande variété de dispositifs, dont le dénominateur commun est de délivrer de la nicotine aux consommateurs: cigarettes, tabac chauffé, e-cigarettes, tabac à placer entre les gencives (snus), substituts nicotiniques.

Malgré cette avancée, les milieux de la prévention demeurent méfiants. «Là où l’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande une interdiction totale de la publicité, la loi suisse prévoit une liste d’interdictions en matière de publicité et de sponsoring, ce qui laissera un espace aux cigarettiers», estime Vanessa Prince, chargée de projets à Unisanté (VD). Pascal Diethelm, le président de l’association OxySuisse constate un gros défaut: «En focalisant l’attention sur les moins de 18 ans, cette loi risque de renforcer l’attrait des jeunes pour l’interdit».

«Le prix des cigarettes est anormalement bas en Suisse par rapport aux autres pays.»

Jean-Paul Humair

Médecin directeur du Centre d’information et de prévention du tabagisme

Il cite en exemple un stand installé au sein du dernier Montreux Festival par British American Tobacco, réservé aux majeurs. «C’est select, et ça attire des jeunes», dit-il. Ces messages de normalisation du tabac se retrouvent sur les réseaux sociaux. «Le tabagisme est une maladie infantile qui se transmet par le réseau social au sens large», commente le médecin suisse Reto Auer, qui collabore avec Unisanté. Pour les associations de prévention, la meilleure façon de protéger les jeunes contre le tabac serait d’en interdire intégralement la publicité. C’est ce que préconise la Convention cadre de l’OMS pour la lutte antitabac, signée par la Suisse en 2004, mais dont la ratification n’est pas au programme.

Le royaume des multinationales du tabac

La puissance de l’industrie du tabac en Suisse contribue à ce retard. Le pays accueille Philip Morris (PMI), Japan Tobacco International et British American Tobacco Switzerland. PMI seul fabrique à Neuchâtel plus de 20 milliards de cigarettes par année, y compris de petites cigarettes destinées à son dispositif de tabac chauffé IQOS. «L’industrie du tabac a réussi à s’allier avec l’économie et les partis les plus conservateurs», juge Pascal Diethelm. Ainsi l’UDC par exemple, dont un conseiller national – Raymond Clottu (NE) – déclarait en 2016 que «la publicité pour les cigarettes n’a pas pour objet d’inciter à fumer, mais est simplement un instrument de concurrence légitime entre les marchés».

Au final, la Suisse se retrouve classée au 35e rang du «Tobacco Control Scale 2021 in Europe», soit à l’avant-dernière place avant la Bosnie-Herzégovine. Son score est de 35 points, contre 82 pour l’Irlande, qui cumule des bonnes notes dans huit rubriques. Parmi elles, la hausse des prix du paquet de cigarettes et les mesures d’interdiction de fumer dans des espaces publics. Concernant la publicité, des pays comme la Finlande ou la Norvège, où son interdiction est complète, sont gratifiés du maximum de points (13). La Suisse est à deux points. «Dans certains pays, les paquets de cigarette sont neutres et ne sont même pas visibles dans les points de vente, ce qui sape le marketing», résume le président d’OxySuisse. Quels seront les effets de la future loi sur les produits du tabac en termes de prévention ? «La Suisse pourrait atteindre une dizaine de points, mais pas le maximum, car il restera des formes de publicité autorisées pour les plus de 18 ans», estime Jean-Paul Humair, médecin directeur du Centre d’information et de prévention du tabagisme à Genève.

«Là où l’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande une interdiction totale de la publicité, la loi suisse prévoit une liste d’interdictions en matière de publicité et de sponsoring, ce qui laissera un espace aux cigarettiers.»

Vanessa Prince

Chargée de projets à Unisanté

Une prévention faible …

Les organisations souhaitent une loi qui aille plus loin. Elles déplorent notamment le fait que la Suisse ne dispose que d’une enquête globale sur la santé, réalisée seulement tous les cinq ans. Or il faudrait suivre pas à pas la prévalence du tabac – et du vapotage – chez les jeunes. Dans une étude menée en 2020 et 2021 auprès d’élèves du secondaire supérieur, 12% des jeunes âgés de 15 à 18 ans ont déclaré fumer tous les jours et 2% vapoter au quotidien. Les comparaisons par âge avec d’autres pays sont compliquées, mais globalement, 27% de la population suisse fume, contre environ 15% en Australie, où la lutte contre le tabac est féroce.

… et des paquets peu chers

Autre levier, une augmentation du prix du paquet, qui entraîne une diminution égale de la consommation des jeunes, rappelle Jean-Paul Humair. «Le prix des cigarettes est anormalement bas en Suisse par rapport aux autres pays», relève le dernier rapport de la Commission fédérale sur les questions liées aux addictions. Soit neuf francs le paquet en Suisse contre 15 en Irlande. Chaque paquet vendu rapporte 4,6 francs à l’AVS, 2,6 centimes au Fonds pour la prévention du tabagisme et la même chose pour celui dédié à la promotion de la culture du tabac. «La taxe sur l’AVS pose un problème de justice sociale, car elle fait cotiser des gens dont une partie ne profitera pas de l’AVS en raison des maladies causées par le tabac», relève Camille Robert. Cette question échappe au projet de loi.

Un débat sur la nicotine qui mine la prévention

Les campagnes pour lutter contre la tabagie disposent de trop peu de moyens, juge aussi le GREA. «Elles ont en général peu d’impact sur les jeunes. Il est plus utile d’agir sur l’offre et la demande ou de proposer aux jeunes de comprendre les mécanismes mis en œuvre dans la publicité », commente Jean-Paul Humair. C’est ce que fait Unisanté, avec une application sur tablette qui propose à des adolescents de dénicher des messages de publicité cachés dans des images présentées sous la forme d’un fil Instagram.

Derrière le débat sur la cigarette se cache celui de l’accès à la nicotine. Et il divise les professionnels de la prévention en deux camps. L’Association suisse pour la prévention du tabagisme défend l’idée d’une Suisse «sans tabac et sans nicotine». D’autres professionnels de la santé présentent la cigarette électronique – avec nicotine – comme un outil de réduction des risques. C’est le tabac qui tue plus de 9000 personnes chaque année, pas la nicotine, soulignent-ils. Le hic ? Ces messages divergents ont pour effet de brouiller la prévention.

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Commentaires :

  • user
    Leticia Dino-Guida, Argentina, Ciudad de México, México 29.08.2023 à 01:38

    Sobre la Ley Antitabaco.


    Creo que la Ley de No Fumar, va demasiado lejos.


    Me parece que ya cayó en un "nivel neurótico" por parte de los no fumadores.


    Reconozco y acepto el daño que provoca el fumar; pero también me queda claro que todo esto comenzó por el gasto que implica en salud para los gobiernos, el que la gente fume.


    En estricto sentido surge de una cuestión económica y no, de un genuino interés por la salud de las personas. Si fuera así, también debería prohibirse el alcohol, los hornos de microondas, los antitranspirantes, las bolsas de plástico, los refrescos, los envases de plástico en todos los productos, todo lo transgénico, el glifosato, los pañales desechables, etc., etc., etc., etc., etc...Porque todo eso contamina la tierra y el agua y/o, nos enferma.


    No estoy muy segura de que destinar espacios para fumadores en restaurantes, bares y hoteles, sea una buena decisión; porque la neurosis de los no fumadores y la incomodidad de los fumadores no son compatibles. Quizás sea mejor que existan restaurantes, bares y hoteles para no fumadores y restaurantes, bares y hoteles para fumadores. Y que cada quien decida a cual va.


    ¿Cómo se manejaría esto en los espacios públicos? Francamente no lo sé. ¿Alguien tiene una solución coherente para esto, que no pase por la imposición a unos y otros?


    En lo personal, cuanto más me dicen que no se puede fumar, más ganas de fumar me dan. Esto surge de que viví y sufrí una dictadura militar y rechazo "visceralmente", todo tipo de imposición.


    El tabaquismo es una adicción y debe tratarse como tal. No con métodos cohercitivos al estilo de La Inquisición. No puede educarse a través del terror. Y esto lo digo, por las imágenes espantosas que vienen en las cajetillas de cigarrillos, en donde vivo. Que además, no son todas ciertas.


    ¿No soy políticamente correcta? ¿Estoy transgrediendo la política de cacería de brujas que se está instaurando en todo el mundo, en muchos sentidos? No me importa en lo más mínimo. ¿Debería sentirme culpable por ser fumadora? No me siento culpable.


    Los fumadores existimos y esa es una realidad.


    Leticia Dino-Guida

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