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  • Culture

Le cinéma suisse ne trouvera pas son salut en ligne

16.09.2020 – Katy Romy, swissinfo.ch

Les plateformes qui mettent à l’honneur les films suisses ont connu une croissance rapide durant le semi-confinement. Pourtant cela ne suffira pas pour sauver le cinéma d’auteur à la sauce helvétique.

Salles de cinéma closes, tournages suspendus, festivals du film annulés. Durant presque deux mois, le confinement imposé à la Suisse pour se protéger de la pandémie de coronavirus a mis l’industrie du film à l’arrêt.

Que ce soit pour tuer le temps ou assouvir leur passion du cinéma, les confinés de toute la planète se sont tournés vers le streaming ou la vidéo à la demande (VOD). La consommation de films a atteint des records. Netflix, le leader du domaine, a enregistré la plus forte croissance de son histoire. Sur les plateformes des géants américains, les petites productions suisses sont toutefois invisibles.

Le cinéma helvétique est mis en exergue sur des portails locaux, comme Cinefile, Filmingo ou Artfilm, qui ont aussi connu une croissance rapide au plus fort de la pandémie de Covid-19. Filmingo a vu le nombre de ses utilisateurs quadrupler. Cinefile a comptabilisé cinq fois plus de visionnages que sur l’ensemble de l’année 2019, alors que sur la petite plateforme Artfilm, exclusivement consacrée aux productions suisses, le trafic a été vingt fois supérieur à la normale. Malgré sa croissance significative, le streaming ne constitue pas la planche de salut du cinéma suisse, estiment toutefois les acteurs de la branche.

Le streaming n’est pas un business modèle

Laurent Dutoit, directeur de la société de distribution Agora Films et exploitant de plusieurs salles indépendantes à Genève, considère que les portails locaux ont permis «de maintenir les contacts avec la clientèle et préserver l’aspect culturel». «Cependant, l’augmentation du nombre d’utilisateurs est totalement insignifiante par rapport au nombre de spectateurs qui ont été perdus dans les salles», affirme-t-il.

Une semaine avant le confinement, Agora Films avait sorti le documentaire «Citoyen Nobel», réalisé par le Lausannois Stéphane Goël sur le Prix Nobel de chimie 2017 Jacques Dubochet. «Nous avons essayé de le remettre à l’affiche lors de la réouverture, mais c’était trop tard. Nous avons perdu 10 000 entrées de cinéma sur ce seul film, soit une perte plus importante que le cumul des visionnages de tous les films suisses en streaming durant cette période», indique-t-il.

Si le streaming séduit un nombre croissant de spectateurs, le chiffre d’affaires continue à se faire au cinéma. Laurent Dutoit estime que la salle représente plus de 50 % des recettes d’un film, alors que le streaming atteint 20 % au maximum. «Sur les grandes plateformes, qui fonctionnent le mieux, on est encore davantage confronté à la concurrence des films américains», note ce dernier.

Sauver les salles pour sauver le cinéma suisse

En Suisse, le service VOD qui rencontre le plus grand succès reste celui du principal opérateur de téléphonie, Swisscom TV. «Les gens regardent toutefois les films qui sont mis en avant sur la page d’accueil, soit ceux qui ont le plus grand potentiel commercial», remarque Laurent Dutoit. Ainsi, les films suisses, qui se classent dans la catégorie du cinéma d’auteur, n’y ont qu’une faible visibilité. Le diagnostic du distributeur est formel: «Seul, le cinéma suisse ne s’en sortira pas. Pour le sauver, il faut garantir la survie de salles de cinéma et de distributeurs indépendants.»

Découvrir un film sur grand écran, blotti dans un siège de cinéma en mangeant du pop-corn relève également de l’expérience collective. La réalisatrice et présidente de l’Association suisse des scénaristes Barbara Miller souligne la nécessité de préserver le cinéma comme lieu de rencontre, mais aussi d’échange avec le public, notamment au cours des festivals. «Le streaming est une réalité et il prendra toujours davantage de place. J’espère toutefois qu’il ne prendra pas le dessus sur le reste, car ce serait un véritable appauvrissement pour notre branche», commente-t-elle.

Lueur d’espoir

La réalisatrice craint une américanisation du septième art. Pour lutter contre ce phénomène, l’industrie du cinéma suisse place ses espoirs dans la modification de la loi sur le cinéma, en discussion au Parlement. Celle-ci prévoit d’étendre aux fournisseurs en ligne l’obligation d’investir au moins 4 % de leurs recettes brutes dans le cinéma suisse ou de s’acquitter d’une taxe correspondante. Ces plateformes devront aussi proposer dans leur catalogue 30 % de productions européennes diffusées sur le plan national. «Cela permettrait de garantir la diffusion de productions indépendantes pour que notre culture ne finisse pas par disparaître. Ce type de mesures fonctionne déjà très bien dans d’autres pays européens», conclut Barbara Miller.

Portails locaux qui offrent des films suisses en streaming :

www.filmingo.ch/fr/

www.artfilm.ch/fr/artfilm-ch

www.fr.cinefile.ch

Katy Romy est rédactrice à Swissinfo. Swissinfo. www.swissinfo.ch

Amener les ados au cinéma

Les ados ont déserté les cinémas, constatent les exploitants et les distributeurs suisses. Le club de cinéma pour enfants, la Lanterne magique, qui compte 20 000 membres en Suisse, propose certes aux enfants de six à douze ans de découvrir le septième art. Mais vont-ils pour autant devenir des adultes amoureux des salles obscures? La réponse est non. «La naissance d’une pratique culturelle autonome naît entre 15 et 20 ans. Il est donc nécessaire de proposer une offre qui s’adresse à cette tranche d’âge», explique Ilan Vallotton, directeur de la Lanterne magique.

L’association et les acteurs de la branche ont ainsi développé #ciné pour donner envie aux 14–18 ans de réinvestir les cinémas et les fidéliser. Présent actuellement dans huit villes du pays, le projet confie à des équipes d’adolescents l’organisation d’événements cinématographiques pour les jeunes de leur âge. Une fois par mois, elles investissent un cinéma de leur ville pour présenter, en avant-première, un film qu’elles ont choisi. «L’idée est de positionner la salle de cinéma comme un lieu dont les adolescents peuvent s’emparer», note Ilan Vallotton.

Citoyen Nobel

Stéphane Goël (CH, 2020). Le film «Citoyen Nobel» est sorti en salles une semaine avant le début du confinement. Il montre comment la vie du scientifique suisse Jacques Dubochet a changé d’un jour à l’autre après qu’on lui a attribué le prix Nobel de chimie en 2017.En savoir plus: www.citoyennobel.com

Platzspitzbaby

Pierre Monnard (CH, 2020). «Platzspitzbaby» (Les enfants du Platzspitz) était le film qui faisait le plus d’entrées en Suisse avant que les cinémas n’aient dû fermer leurs portes en mars 2020. Il raconte la vie d’une petite fille et de sa mère toxicomane. Le contexte: la ferme-ture de la scène ouverte de la drogue à Zurich dans les années 1990.En savoir plus: www.platzspitzbaby.ch

Das Fräulein

Andrea Štaka (CH/DE, 2006). Originaire de Serbie, Ruža est venue chercher une vie meilleure en Suisse. Elle y est intégrée depuis longtemps. Un jour apparaît la jeune Ana, qui arrive de Sarajevo. Un drame sur la solitude et le déracinement se déploie.Streaming: www.cinefile.ch où www.artfilm.ch

Bruno Manser –La Voix de la Forêt Tropicale

Nilkaus Hilber (CH, 2019). En 1984, le Suisse Bruno Manser effectue un voyage dans la jungle de Bornéo. Il s’engage pour la cause du peuple Penan, menacé par la déforestation: sa lutte a fait de lui l’un des activistes écologistes les plus célèbres de son temps, mais elle lui a aussi coûté très cher. Streaming: www.cinefile.ch

Moskau einfach!

Micha Lewinsky (CH, 2020). Automne 1989: le mur de Berlin s’effondre, en Suisse la police secrète fait surveiller des centaines de mil-liers de personnes. Mais un brave employé de police prénommé Victor tombe amoureux de l’actrice qu’il est censé surveiller.Streaming: www.kino-on-demand.ch

L’Ordre divin

Petra Volpe (CH, 2017). 1971: Nora vit avec son mari et ses deux fils dans un paisible village suisse. Mais la sérénité de son foyer et du village est sérieusement ébranlée quand Nora décide de s’engager pour le droit de vote des femmes.Streaming: www.cinefile.ch

L’Âme sœur

Fredi M. Murer (CH, 1985). Un jeune sourd et sa sœur Belli vivent dans une ferme isolée. Le père refuse de placer son fils en foyer. Belli, qui rêvait de devenir enseignante, doit lui faire l’école à la maison. Les deux enfants deviennent inséparables et se rapprochent dangereusement. Un film émouvant, incon-tournable dans l’histoire du cinéma suisse. Streaming: www.cinefile.ch

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