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Une seule devise pour les votations de septembre: ne prendre surtout aucun risque

15.11.2016 – Jürg Müller

Pas d’augmentation des rentes AVS, pas d’«économie verte» et davantage de compétences pour le service de renseignement: telles ont été les décisions du peuple suisse le 25 septembre.

Qui ne tendrait pas volontiers la main si on lui promettait une somme d’argent? Les votations de septembre proposaient une augmentation de 10 % des rentes AVS. Une offre que Suissesses et Suisses ont toutefois déclinée. Près de 60 % des votants ont refusé l’initiative populaire «AVSplus» des syndicats et des partis de gauche. Les auteurs de l’initiative voulaient donner davantage de poids à l’AVS dans le système global de la prévoyance vieillesse. Une demande que le Conseil fédéral, le Parlement et les partis bourgeois ont rejetée, invoquant notamment des arguments démographiques: comme la génération du baby-boom des années 50 et 60 partira à la retraite dans les années à venir, l’acceptation de cette initiative ne ferait qu’accentuer les problèmes de financement déjà bien réels. En outre, selon les arguments des opposants, nous devrions éviter de prétériter encore davantage les générations à venir.

La campagne précédant la votation a vu, outre la traditionnelle lutte entre la gauche et la droite, s’affronter des experts autour de la question portant sur le pilier de la prévoyance vieillesse qu’il conviendrait de renforcer: l’AVS étatique ou la prévoyance professionnelle, c’est-à-dire les caisses de pensions? Ainsi, alors que certains plaçaient au premier plan la menace de découvert de l’AVS, d’autres étaient plutôt d’avis que cette dernière pourrait à l’avenir plus facilement combler ses lacunes de financement que les caisses de pensions, notamment en raison de la forte baisse des rendements sur les marchés des capitaux. Cédric Tille, professeur d’économie, expert des marchés financiers et conseiller de banque de la Banque nationale, soutenait l’initiative: on devrait limiter l’importance du deuxième pilier et étendre le premier, c’est-à-dire l’AVS.

Stabiliser plutôt qu’augmenter

Bien que l’AVS jouisse d’un grand prestige auprès de la population, l’initiative a été rejetée. D’une part, l’argumentation a visiblement été convaincante – il faut stabiliser cette assurance au vu des problèmes à venir plutôt qu’en augmenter le cadre financier dans une conjoncture aussi délicate –, et d’autre part, au moment de la votation, le Parlement se trouvait au cœur des débats portant sur le programme de réforme «Prévoyance vieillesse 2020» soumis par le Conseil fédéral et qui propose une vue d’ensemble ne se limitant pas à l’AVS, mais comprenant également les caisses de pensions. Or, l’acceptation de l’initiative aurait remis en question la totalité du concept de réforme. Le rejet de l’initiative par les votants apparaît ainsi également comme un témoignage de confiance au Parlement, dans l’espoir que la réforme des rentes en cours débouche sur une solution équilibrée, susceptible d’être acceptée par une majorité. À la clôture de la rédaction, l’issue de la procédure parlementaire n’était toutefois pas encore connue.

L’initiative populaire «Économie verte», qui s’engageait pour une économie durable et fondée sur une gestion efficiente des ressources, n’a pas non plus trouvé grâce. Lancée par les Verts, les partis de gauche et de nombreuses organisations et associations d’obédience écologique, elle a été rejetée encore plus clairement que celle portant sur l’AVS, avec 63,6 % de voix contre. L’initiative en question voulait améliorer l’utilisation – et donc la protection – de ressources naturelles telles que l’eau, le sol, l’air et les matières premières. Comme pour «AVSplus», l’argumentation a évoqué un souci quant aux générations futures, qui devront supporter les effets négatifs de notre économie. L’idée consistait à amener cette dernière à utiliser les matières premières parcimonieusement, à produire aussi peu de déchets que possible et à recycler et réinjecter ces derniers dans le circuit économique en tant que matières premières. Les auteurs de l’initiative entendaient réduire la consommation d’ici à 2050, de manière à ce qu’elle ne dépasse plus les capacités de notre Terre: en effet, il faudrait à long terme trois Terres si la population mondiale consommait autant de ressources naturelles que la Suisse.

Trop en trop peu de temps

La préoccupation fondamentale de l’initiative a aussi été reconnue par le Conseil fédéral, qui a souhaité soumettre une contre-proposition et moderniser la loi sur la protection de l’environnement. Le Parlement ayant toutefois refusé la démarche du Conseil fédéral, seule l’initiative a été soumise au peuple. Mais pour le gouvernement, le Parlement et surtout des pans importants de l’économie, elle allait trop loin et en demandait trop en trop peu de temps. Mesures fâcheuses pour cette dernière, mais aussi conséquences négatives pour la compétitivité, la croissance et l’emploi sont autant d’arguments qui ont ainsi été évoqués. Sans compter les nombreuses mesures déjà prises.

La renonciation à la consommation affichée par la propagande des opposants en vue de la votation a pu inciter de nombreux votants à glisser un «non» dans l’urne. Les restrictions personnelles ont certes été souvent présentées de manière excessive, mais cette nouvelle norme constitutionnelle n’aurait certainement pas pu être concrétisée de manière cohérente sans limitations notables. Cela dit, les raisons de ce rejet trouvent certainement leur source dans l’esprit de notre époque: parmi les préoccupations de la population suisse, il est des questions plus prioritaires que l’environnement.

La sécurité a le vent en poupe

La nouvelle loi sur le service de renseignement, acceptée avec 65,5 % des voix, a su manifestement capter les préoccupations de la population. A elle seule, la première phrase du document officiel «Explications du Conseil fédéral» sur la votation populaire, communément appelé «brochure explicative», est en phase avec l’air du temps: «Le Service de renseignement de la Confédération (SRC) contribue à la sécurité de la Suisse. Son mandat consiste à assurer la détection précoce des menaces que représente notamment le terrorisme et à prévenir les attaques contre notre pays.» Le SRC pourra à l’avenir s’introduire dans des ordinateurs et mettre des téléphones et des lieux privés sur écoute. C’est ce que prévoit la nouvelle loi sur le service de renseignement, qui règle les missions, mais aussi les limites et le contrôle du SRC. De nouvelles mesures sont prévues pour rechercher des informations (par exemple surveillance du trafic postal et de télécommunication) dans le domaine du terrorisme, de l’espionnage ou des attaques contre des infrastructures critiques. Dans ce cadre, le SRC est soumis à un contrôle à plusieurs paliers par des organes du Parlement, de l’administration et du Conseil fédéral.

Une «Alliance contre l’État fouineur» composée principalement de petits partis de gauche et de partis de jeunes avait lancé un référendum contre la loi sur le service de renseignement. Les opposants évoquent la fin de la sphère privée: «Contrairement à ce qui est souvent affirmé, tout le monde sera surveillé, pas seulement une minorité de suspects. Écoutes téléphoniques, interception des e-mails, des messages sur Facebook et Whats App et des SMS, ainsi que contrôle d’internet par des mots clés sont des moyens de surveillance de masse qui ne se basent sur aucun soupçon». Mais l’expérience a montré qu’une surveillance généralisée «ne permet pas d’éviter le moindre attentat», comme l’affirment les auteurs de l’initiative dans la brochure explicative.

Ces arguments n’ont pas convaincu la majorité; les craintes sont trop élevées que le terrorisme puisse un jour aussi frapper la Suisse. Dans ce contexte, l’idée selon laquelle une refonte de la loi sur le renseignement contribuera – ne serait-ce que modestement – à augmenter la sécurité est compréhensible.

Jürg Müller est rédacteur à la «Revue Suisse»

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