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  • Politique

Les familles arc-en-ciel font depuis longtemps partie de notre quotidien – elles espèrent à présent davantage de reconnaissance

05.08.2021 – EVELINE RUTZ

En Suisse, on fait preuve de plus en plus de tolérance vis-à-vis des familles dites «arc-en-ciel». Un moment décisif pour elles approche: le 26 septembre, le peuple dira s’il est favorable ou non au mariage des personnes homosexuelles.

En Suisse, les familles qui ne correspondent pas au modèle traditionnel s’affichent de manière plus ouverte qu’il y a encore dix ou vingt ans. Les couples de même sexe réalisent leur désir d’enfant. Les lesbiennes et les gays, qui se conformaient auparavant aux conventions, font leur coming out et vivent leurs préférences au grand jour. L’Église réformée accorde sa bénédiction à des couples de femmes et d’hommes. Même certains prêtres catholiques suivent cette voie, en opposition complète avec la position officielle de leur Église. «La société a considérablement évolué», relève Maria von Känel, directrice de l’association faîtière Familles Arc-en-ciel et co-présidente du comité «Mariage civil pour toutes et tous». Grâce à l’acceptation croissante dont elles bénéficient, les familles arc-en-ciel ont gagné en visibilité. Leurs besoins sont aujourd’hui pris en compte même par des milieux conservateurs.

En ce qui concerne la reconnaissance juridique des différents modes de vie, la Suisse avance à petits pas. Le partenariat enregistré y a été introduit en 2007, l’adoption des enfants du partenaire en 2018. Le Conseil fédéral et le Parlement veulent à présent aller plus loin avec le «mariage pour tous». À l’avenir, gays et lesbiennes auraient ainsi le droit de se marier. Ils bénéficieraient des mêmes droits que les couples hétérosexuels mariés concernant, entre autres, la naturalisation, l’héritage, la prévoyance vieillesse et les visites à l’hôpital. Ils pourraient inscrire «marié(e)» sur les formulaires de l’état civil.

Kathrin Bertschy: «Les familles comportant deux mères existent, elles font partie de notre société.» Photo Keystone

Les couples de femmes mariés pourraient en outre bénéficier du don de sperme en Suisse. Leurs enfants auraient dès la naissance les mêmes droits que ceux des couples hétérosexuels. «Les familles comportant deux mères existent, elles font partie de notre société et sont égales aux autres», note la conseillère nationale vert’libérale Kathrin Bertschy, qui a demandé l’amendement de la loi en 2013. Le projet sur lequel la Suisse votera le 26 septembre semble un peu en retard sur les événements. 28 autres pays ont en effet déjà ouvert le mariage aux couples de même sexe, à commencer par les Pays-Bas en 2001.

Un long chemin au Parlement

En Suisse, le sujet a été mis pour la première fois sur la table politique il y a plus de 20 ans. Mais ce n’est qu’en 2020 que les deux Chambres du Parlement se sont déclarées clairement en faveur du «mariage pour tous». Ce «jalon important», «progrès incroyable» pour les partisans du projet, est notamment dû à la nouvelle composition du Parlement, où les forces socialement libérales ont fortement progressé aux élections de 2019.

La Suisse a de la peine avec les réformes sociétales, souligne Kathrin Bertschy: «Aussi bien faite que notre démocratie puisse paraître, puisqu’elle protège des décisions hâtives, elle peine à intégrer les changements sociétaux à temps dans la loi.»

Marianne Streiff craint que la gestation pour autrui ou le don d’ovocytes soient revendiqués: «Cela va simplement beaucoup trop loin.» Photo Keystone

Pour certains cercles conservateurs, la décision du Parlement va trop loin. Ils ont réuni plus de 60 000 signatures afin que le peuple ait le dernier mot. Leurs arguments font parfois appel à la religion: la Bible, d’après eux, n’envisage le mariage que pour le couple hétérosexuel. Celui-ci constitue l’union naturelle, celle dont naissent les enfants. L’élément qui gêne le plus ces opposants au projet est l’accès au don de sperme. Les enfants nés de cette manière sont délibérément privés de père, critiquent-ils. Le bien de l’enfant en souffre. De plus, il est selon eux à craindre que d’autres revendications soient formulées demain, comme le don d’ovocytes ou la gestation pour autrui. «Cela va simplement beaucoup trop loin», déclare la présidente du PEV, Marianne Streiff.

Le comité du «oui» défend des vues opposées. Il ne s’agit pas ici de la «tactique du salami», disent-ils. L’objectif est l’égalité des droits, garantie à chacun par la Constitution, indépendamment de son mode de vie. Les partisans du projet soulignent que les enfants peuvent connaître l’identité du donneur de sperme dès qu’ils atteignent l’âge de 18 ans. Le don d’ovocytes et la gestation pour autrui ne font pas partie du projet: ils restent interdits en Suisse.

«Un idéal qui n’existe plus»

Les nouvelles formes familiales font depuis longtemps partie du quotidien, relève Yv E. Nay, de la Haute école spécialisée de Zurich (ZHAW). Toutes les études montrent que ce n’est pas l’orientation sexuelle des parents, mais la qualité de la relation et l’atmosphère régnant au sein de la famille qui sont décisives pour le bien-être des enfants. Yv E. Nay souligne que dans le débat politique sur les droits des personnes LGBTQ, on a recours à des images traditionnelles qui ressemblent peu à la réalité des familles arc-en-ciel. «On se réfère encore et toujours à un idéal qui n’existe plus, ou qui n’a pas existé longtemps.»

Yv E. Nay relève qu’en matière d’image de la famille, «on se réfère encore et toujours à un idéal qui n’existe plus». Photo Keystone

Avec le «mariage pour tous», les couples lesbiens fondant une famille se verraient octroyer dès la naissance de leur enfant des droits de parents. Aujourd’hui, seule la mère biologique est reconnue comme telle. Si sa partenaire peut demander l’adoption de ses enfants, elle ne peut le faire au plus tôt qu’un an après la naissance. Dans les faits, la procédure prend souvent plusieurs années. «Pendant ce temps, les enfants concernés sont insuffisamment assurés», note Maria von Känel. Le nouveau projet de loi garantit l’égalité des droits et supprime une grande partie de la souffrance des personnes concernées. Il confère aux homosexuels de nombreux autres droits fondamentaux qui ne sont pas couverts par le partenariat enregistré: «C’est la raison pour laquelle le mariage pour tous est indispensable.»

Une acceptation croissante

Le projet de «mariage pour tous» a de bonnes chances d’obtenir un «oui» clair dans les urnes. L’«enquête sur les familles et les générations» publiée par la Confédération en 2018 prouve que les différentes constellations familiales sont de mieux en mieux acceptées par la société: 58 % des femmes et 43 % des hommes pensent qu’un enfant élevé par un couple homosexuel peut être heureux.

Maria von Känel: «La société a considérablement évolué. La majorité de la population suisse souhaite l’égalité.» Photo Keystone

Plus de la moitié des personnes interrogées (65 % des femmes et 53 % des hommes) sont d’avis que les couples homosexuels devraient avoir les mêmes droits que les hétérosexuels. Un sondage mené par l’institut de recherche GFS sur mandat de l’organisation gay Pink Cross révèle également une large tolérance. 63 % des participants au sondage se sont déclarés «favorables» au mariage pour tous, et 18 % «plutôt favorables». «La majorité de la population suisse souhaite l’égalité»: Maria von Känel en est convaincue.

 

L’abréviation LGBTQ utilisée dans ce texte désigne les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, trans et queer, c’est-à-dire se revendiquant d’un genre non binaire.

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