- Politique
- les votations : Résultats
Le peuple refuse l’aménagement des autoroutes
31.01.2025 – Theodora Peter
Lors de la votation du 24 novembre 2024, le peuple suisse a rejeté à 52,7 % un crédit de cinq milliards de francs pour l’aménagement des autoroutes. Dans le domaine du droit du bail aussi, le peuple a désavoué deux fois les autorités fédérales.
Non, non et non: la dernière votation de 2024 a été une gifle pour le gouvernement et le Parlement. Les Suisses ont rejeté d’un coup trois des quatre objets proposés par le Palais fédéral: l’aménagement des autoroutes et deux assouplissements du droit du bail contre lesquels l’association des locataires était montée aux barricades. Le peuple n’a donné son feu vert qu’à la réforme de la santé, qui uniformisera le financement des prestations de l’assurance-maladie. La Cinquième Suisse s’est montrée moins critique à l’égard des autorités le 24 novembre: contrairement à la majorité du peuple, les Suisses de l’étranger ont accepté tant le crédit pour les autoroutes que l’une des deux modifications controversées du droit du bail. Ils ont ainsi suivi l’avis du Conseil fédéral et du Parlement dans trois objets sur quatre. Ce qui confirme la tendance selon laquelle la Cinquième Suisse vote de manière plus favorable aux autorités.
Victoire pour l’opposition rose-verte
À l’intérieur du pays, au contraire, la confiance à l’égard des autorités semble quelque peu entamée. Au cours de la première année de sa nouvelle législature, le gouvernement n’a remporté que sept votations sur douze. La gauche (PS) et les syndicats ont triomphé cinq fois, notamment avec leur initiative sur l’introduction d’une 13e rente AVS (Revue 3/2024).
Ces succès de la gauche dans les urnes sont remarquables compte tenu du fait que le Parlement avait clairement glissé à droite lors des élections fédérales de l’automne 2023. Dans ce contexte, le triple non de la dernière votation est un signal clair contre la politique de force des partis bourgeois: l’UDC, le PLR et Le Centre, qui donnent le ton au gouvernement et au Parlement, ont été sévèrement rappelés à l’ordre par le peuple.
Les femmes moins favorables à la voiture que les hommes
Le 24 novembre, outre le PS, les Vert-e-s ont également renoué avec la victoire. La campagne du camp écologiste contre les projets autoroutiers «extrêmes» (Revue 5/2024) a visiblement fait mouche au sein de la population. Un sondage mené après le scrutin montre qu’outre les préoccupations climatiques, la crainte de voir le trafic augmenter avec l’élargissement des routes a joué un rôle. Cet argument, avancé par les opposants, a surtout convaincu les femmes dont pas moins de 60 % ont voté non.
Les hommes, en revanche, se sont montrés plus favorables à la voiture: 56 % d’entre eux ont accepté le crédit qui, selon les partisans du projet, n’était destiné qu’à éliminer les goulets d’étranglement sur quelques tronçons autoroutiers. Pour cette raison, le camp du oui a probablement été trop sûr de lui. Son slogan, «Pour une Suisse qui avance», n’a toutefois pas convaincu la majorité.
Michael Hermann, politologue et directeur d’un institut de sondage, interprète le rejet de l’aménagement des autoroutes aussi comme l’expression d’un «mal de la croissance». Nombreux sont les gens qui ont le sentiment que la Suisse croît trop vite: «Ils redoutent une Suisse toujours plus grise et bétonnée», a-t-il expliqué.
Après ce rejet du peuple, il est évident que les projets de construction routière ont du plomb dans l’aile. D’après le ministre des transports Albert Rösti (UDC), il ne sera plus question, par exemple, d’un aménagement complet de l’autoroute A1. Le Conseil fédéral et le Parlement voulaient élargir cet axe très fréquenté entre Lausanne et Genève ainsi qu’entre Berne et Zurich à six voies au moins.
Le peuple unanime pour la réforme de la santé
La Suisse avance, en revanche, dans les réformes du domaine de la santé. Avec 53,3 % de oui, les Suisses ont accepté le financement uniforme des prestations de l’assurance-maladie. La Cinquième Suisse a elle aussi validé la modification de la loi. Celle-ci entraînera un accroissement des soins ambulatoires et contribuera donc à alléger les coûts. Les autorités tablent sur des économies de près de 440 millions de francs.
Dans cette votation, les syndicats n’ont pour une fois pas réussi à se faire entendre. Ils avaient combattu le projet, arguant notamment qu’il pourrait entraîner une baisse de la qualité des soins et des conditions de travail du personnel soignant.
Une leçon pour le lobby des propriétaires
Dans le droit du bail, en revanche, rien ne bouge. Le peuple a rejeté à 51,6 % des règles de sous-location plus sévères – la Cinquième Suisse a donc accepté en vain la modification de la loi. L’objectif du projet était de lutter contre les abus. Les locataires auraient dû obtenir l’accord écrit explicite de leur propriétaire en cas de sous-location. Ils continueront donc d’avoir la simple obligation de l’en informer.
Le rejet d’une résiliation facilitée pour besoin propre a été un peu plus net (53,8 %). Les propriétaires de biens immobiliers devront donc toujours prouver qu’ils ont «urgemment» besoin d’un appartement ou d’une maison pour eux-mêmes ou pour des parents proches s’ils souhaitent résilier un contrat de bail. La Cinquième Suisse a elle aussi refusé d’assouplir cette règle en faveur des propriétaires.
Forte de cette victoire, l’association des locataires se prépare déjà à de nouvelles batailles. Dès le dimanche de la votation, elle a brandi la menace du référendum au cas où le Parlement adopterait d’autres projets de «démantèlement des droits des locataires», par exemple concernant la fixation des loyers. Si cela se produit, le peuple aura une nouvelle fois le dernier mot.
Commentaires