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Le moment le plus ­opportun

21.08.2014 – Madlaina Bundi

Deux petits éditeurs suisses, Jean ­Richard des «Éditions d’en bas» à ­Lausanne et Madlaina Bundi de «hier + jetzt» à Baden, ont fait part à la «Revue Suisse» de leurs impressions sur la Foire du livre.

«Avec ce beau ‹R› roulé, vous êtes sûrement Suisse, n’est-ce pas? Ah, les Suisses, ils ont tout compris. Ils savent encore faire vivre la démocratie. L’initiative contre l’immigration de masse en est un bel exemple. Avec mes idées nationales conservatrices, je ne peux que les soutenir. Je devrais sans doute immigrer en Suisse...» C’est avec grand enthousiasme qu’un visiteur de la Foire de Leipzig m’a raconté cela dans le train de banlieue, sans même se rendre compte de l’ironie de son propos. Je ne lui ai pas dit qu’il ne serait peut-être bientôt plus possible d’immigrer en Suisse. J’étais encore sous le choc du résultat et craignais le pire pour nous à Leipzig: que nous, les éditeurs, et nos auteurs, soyons taxés d’anti-Européens par nos collègues et le public et que nous passions pour des provinciaux isolés et déconnectés du monde. Avant de partir, j’avais pensé que c’était le pire moment pour la Suisse d’être hôte d’honneur à la Foire du livre.

Nous nous y étions préparés intensément depuis longtemps. Il y a plus d’un an déjà, toutes les maisons d’édition avaient été priées de fournir des idées et des propositions de lectures, d’entretiens, de discussions. Une présence de la Suisse variée et plurilingue avait été préconisée, réunissant les courants culturels, politiques et sociaux les plus divers, sans oublier le divertissement bien entendu.

Mes craintes se sont révélées infondées. Lorsque le conseiller fédéral Alain Berset a pris la parole le soir de l’inauguration, il a gagné la sympathie du public en quelques minutes. Son discours était empreint d’intelligence, d’humour et d’autodérision. Une autodérision qui a servi de fil rouge tout au long du programme les jours suivants. Show littéraire de lutte suisse, matches de slam dans le train de banlieue ou voyage littéraire dans le canton africain, l’Oberland bernois, les invités suisses se sont emparés de tous les clichés pour les dénoncer minutieusement dans leurs représentations. Le public a accueilli ces manifestations avec reconnaissance, comme j’ai pu le remarquer lors de la présentation de notre livre «Die Schweizer Kuh» («La vache suisse»). À l’aide de plusieurs images, j’ai montré le culte voué à notre animal héraldique non officiel, et sa commercialisation. L’effet était réussi, car les images parlent moins de la vache que de nous, les Suisses. Les rieurs étaient de mon côté.

Je me réjouis également que la Suisse se soit présentée à Leipzig comme un pays qui, bien loin des clichés, est une nation aux relations complexes, chez elle, et avec l’extérieur. Il n’est pas facile de savoir si ce message est bien perçu partout. Mais force est de constater que pour la Suisse, c’était sûrement le moment le plus opportun d’être hôte d’honneur.

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