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  • Politique

Extraordinaire – et cependant normal

23.01.2019 – Jürg Müller

En décembre 2018, deux femmes ont été élues en même temps au Conseil fédéral. Autre première: une femme dirige le ministère de la Défense. Pourtant ces élections de remplacement n’ont pas représenté un tournant politique décisif.

C’était une élection au Conseil fédéral sortant de l’ordinaire – et en même temps une élection placée sous le signe de la normalité et de la consolidation. Elle a été extraordinaire dans le sens où, pour la première fois dans l’histoire, deux femmes ont été élues au Gouvernement en même temps, et cela majoritairement dès le premier tour. Cette élection a aussi été placée sous le signe de la normalité et de la consolidation, car elle s’est déroulée sans intrigues ni candidatures à l’éclatement. En outre, aucun des partis n’a remis en question le droit de vote des démocrates-chrétiens (PDC) et des libéraux-radicaux (PLR). En ces temps d’instabilité des majorités gouvernementales dans toute l’Europe, la Suisse a montré l’exemple d’une normalité et d’une stabilité inébranlables.

Cela ne signifie pas pour autant que les élections au Conseil fédéral du 5 décembre 2018 n’ont pas été mouvementées en amont. Suite aux démissions de Johann Schneider-Ammann (PLR) et Doris Leuthard (PDC) en septembre (voir «Revue Suisse» de novembre 2018), le sujet a été très médiatisé. Dès le départ, Karin Keller-Suter, membre du Conseil des États de Saint-Gall et ancienne membre du Gouvernement, a été sans conteste la principale candidate du PLR. Dans le cas du PDC, la situation de départ était moins claire: si la demande d’une candidature féminine avait là aussi été lancée dès le départ, quelques hommes avaient également postulé.

Deux doubles tickets

Comme il est d’usage depuis quelque temps de présenter une sélection d’au moins deux candidats à l’Assemblée fédérale, même les libéraux-radicaux avec leur favorite vedette incontestée se sont sentis obligés de présenter un double ticket pour leur candidature. Hans Wicki, membre du Conseil des États de Nidwald, s’est proposé sans avoir la moindre chance de succès, réussissant toutefois ainsi à accroître sa notoriété. À l’issue d’un débat interne, le PDC a finalement désigné la conseillère nationale du Valais et ancienne maire de Brig-Glis, Viola Amherd, et la conseillère du gouvernement d’Uri, Heidi Z’Graggen, pour son double ticket. Les deux femmes ont longtemps été engagées dans une course au coude à coude lors des débats publics.

Ce fut donc une grande surprise qu’Amherd remporte le premier tour avec 148 voix, alors que Z’Graggen n’obtint que 60 voix. Les deux candidates n’étaient pas fondamentalement différentes, mais une fois de plus, l’ancienne règle selon laquelle l’Assemblée fédérale préfère les personnalités connues par la coopération parlementaire s’est appliquée. Pour Keller-Suter, personne ne s’attendait à une surprise de toute façon, elle a également été élue avec 154 voix au premier tour de scrutin, son concurrent Wicki a obtenu un succès d’estime avec 56 voix.

Triple normalité

Les élections au Conseil fédéral témoignent d’une normalité et d’une stabilité consolidées à trois égards: en premier lieu, le droit des femmes à une représentation appropriée dans la plus haute autorité de l’État au-delà des lignes de parti est devenu une évidence. Deuxièmement, la paix est revenue depuis que l’Union démocratique du centre (UDC) a ses deux sièges au Conseil fédéral; les débats haineux sur la «bonne» formule magique n’ont plus de rôle à jouer dans les élections au Conseil fédéral. Troisièmement, les deux conseillères fédérales nouvellement élues ne modifient guère la mécanique politique au sein du Conseil: la politicienne libérale Karin Keller-Suter ne diffère guère de son prédécesseur Johann Schneider-Ammann dans ses prises de position politiques les plus importantes. Cela vaut également pour Viola Amherd qui, comme la démissionnaire Doris Leuthard, se positionne classiquement plutôt au centre socio-libéral. Amherd est considérée comme économiquement libérale, mais en même temps ouverte sur le plan sociopolitique, et positionnée à l’aile gauche du PDC.

Pas de tournant électoral

Le 5 décembre n’a certainement pas marqué un tournant électoral. Celui-ci avait déjà été pris en septembre 2017. À cette époque, le Tessinois Ignazio Cassis, politicien libéral de droite du PLR, avait remplacé son collègue Didier Burkhalter, démissionnaire du parti. Burkhalter, très ouvert, a souvent fait pencher la balance d’un côté comme de l’autre, entre la majorité de droite composée de l’UDC et du PLR au Conseil fédéral et le centre-gauche, composé des deux membres du gouvernement du PS et de la conseillère fédérale Leuthard du PDC. Burkhalter était considéré par l’UDC comme peu sûr et subissait de plus en plus de pressions au sein de son propre parti, ce qui l’a amené à démissionner.

L’orientation du Conseil fédéral à droite reste donc inchangée. Néanmoins, il n’est pas exclu qu’une dynamique surprenante se développe au sein du collège gouvernemental. Car les deux candidates nouvellement élues sont considérées comme ouvertes aux compromis, en particulier Karin Keller-Suter. Du moins, elle ne craint pas le rapprochement. Elle avait établi au Conseil des États une relation de travail fonctionnant bien avec l’autre conseiller des États de Saint-Gall, le socialiste Paul Rechsteiner, clairement orienté à gauche.

Une répartition des départements peu harmonieuse

La répartition des départements a été un peu moins harmonieuse que lors des élections. Il a fallu deux cycles de pourparlers entre les sept membres du Conseil fédéral, puis un vote au sein du nouveau Gouvernement. Cette procédure indique un débat assez controversé. Viola Amherd (PDC) est la première femme à reprendre le Département de la défense (DDPS), Karin Keller-Sutter (PLR) le Département de justice et police (DFJP). Guy Parmelin (UDC), précédemment à la tête du DDPS, rejoint le Département de l’économie, de la formation et de la recherche (DEFR), tandis que Simonetta Sommaruga (PS), ancienne ministre de la Justice, reprend le Département de l’environnement, des transports, de l’énergie et des communications (DETEC).

Avec le conseiller fédéral Alain Berset, le PS conserve l’important Département de l’intérieur et prend en même temps en charge le vaste département infrastructure du DETEC. Avec le DEFR, l’UDC reçoit le département qui joue, entre autres, un rôle clé dans la politique européenne. Le ministre de l’Économie, Guy Parmelin, et Ignazio Cassis (PLR), qui restera en charge des affaires étrangères, joueront un rôle clé dans la construction de la position de la Suisse en Europe et dans le monde. Ueli Maurer (UDC) conserve également le Département des finances. Le PDC, qui ne dispose que d’un seul siège au Conseil fédéral, devra faire face à une perte d’importance suite au départ de l’ancienne directrice du DETEC, Doris Leuthard, car le Département de la défense n’est pas considéré comme un poids lourd parmi les ministères. Toutefois, le PDC avec le chancelier fédéral Walter Thurnherr conserve une fonction importante au sein de la plus haute autorité de l’État.

Viola Amherd

La politicienne valaisanne Viola Amherd (*1962), membre du PDC, est avocate. Jusqu’à son élection au Conseil fédéral, elle était avocate indépendante et notaire à Brigue. De 1996 à 2006, elle a été juge suppléante à la Commission fédérale de recours en matière de personnel fédéral. Elle a commencé sa carrière politique en 1993 au Conseil municipal de Brig-Glis. De 2001 à 2012, elle a été maire de la métropole du Haut-Valais. En 2005, elle est entrée au Conseil national à la place de Jean-Michel Cina. Elle a été membre de la Commission des transports et des télécommunications du Conseil national et de la Commission des affaires juridiques. Elle a également été membre du bureau du Conseil national et vice-présidente du groupe parlementaire du PDC. Dans le PDC haut-valaisan, elle a siégé comme membre du comité exécutif.

(JM)

Karin Keller-Sutter

La politicienne de Saint-Gall Karin Keller-Sutter (*1963) est traductrice et interprète. À l’issue de ses études de troisième cycle, elle a obtenu un diplôme d’enseignante dans une école secondaire professionnelle. Elle a commencé sa carrière politique à Wil, où elle a été conseillère municipale de 1992 à 2000. De 1996 à 2000, elle a également été membre du Conseil cantonal de Saint-Gall et, entre 1997 et 2000, présidente du PLR du canton de Saint-Gall. En 2000, Karin Keller-Sutter a été élue au Gouvernement cantonal et a dirigé le Département de la sécurité et de la justice. Pour la première fois, elle a également occupé le devant de la scène nationale en tant que présidente de la Conférence des directrices et directeurs des cantons de la justice et de la police. Depuis 2011, elle est membre du Conseil des États qu’elle a présidé en 2017/18.

(JM)

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