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  • Société
  • Les victimes suisses de l'Holocauste

De plus en plus de voix réclament l’interdiction des symboles nazis

01.07.2022 – SUSANNE WENGER

En Suisse, faire usage de symboles nazis tels que le salut hitlérien sur la place publique n’est pas toujours puni. Plusieurs interventions au Parlement ainsi que le Conseil des Suisses de l’étranger réclament à présent la tolérance zéro. Après avoir hésité, le gouvernement examine cette revendication.

Lors d’une manifestation contre les mesures liées au coronavirus en septembre 2021, un manifestant a levé le bras pour effectuer le salut hitlérien en plein cœur de la vieille ville de Berne. À la suite de cela, il a reçu une ordonnance pénale du Ministère public pour conduite inconvenante. L’homme a fait opposition et obtenu gain de cause. Le tribunal régional a estimé que la base légale pour le condamner faisait défaut. Un extrémiste de droite qui avait fait le même geste en 2010 sur la prairie du Grütli, dans le canton d’Uri, a lui aussi été acquitté. En dernière instance, le Tribunal fédéral a jugé en 2013 que l’homme avait fait connaître sa position parmi des gens du même avis que lui, ce qui n’est pour l’heure pas punissable. Si son geste avait visé à influencer des tiers en faveur de l’idéologie national-socialiste, il serait en revanche tombé sous le coup de la norme pénale antiraciste.

Les exemples le montrent: la Suisse fait preuve d’une certaine tolérance vis-à-vis de l’exhibition en public de symboles nazis. Le salut hitlérien, la croix gammée et autres signes analogues ne sont interdits que s’ils sont utilisés à des fins de propagande. Des efforts politiques visant à supprimer cette distinction existent depuis 2003. Toutefois, jusqu’ici, le Conseil fédéral et le Parlement ont majoritairement considéré que la liberté d’expression prévalait. L’opinion pourrait néanmoins avoir changé depuis. Pas moins de trois interventions ont été déposées à ce sujet au Parlement, une par la droite et deux par la gauche.

Marianne Binder, conseillère nationale du Centre

Plus d’incidents durant la pandémie

Marianne Binder, conseillère nationale argovienne du Centre, a ouvert le feu en hiver. Elle souhaite bannir les gestes, drapeaux et signes nazis de l’espace public réel et virtuel. «Les incidents antisémites se sont multipliés, et ils ont pris une nouvelle dimension durant la pandémie», justifie la parlementaire. Son constat est confirmé par le rapport sur l’antisémitisme de la Fédération suisse des communautés israélites (FSCI) et de la Fondation contre le racisme et l’antisémitisme: le nombre d’incidents graves a augmenté en 2021. Les éditeurs du rapport ont recensé 806 cas de slogans et de théories du complot antisémites sur Internet, ce qui constitue une hausse de plus de 60 % par rapport à 2020.

«Les symboles nazis évidents ne relèvent certainement pas de la liberté d’expression.»

Marianne Binder

Conseillère nationale du Centre

Dans l’espace public réel, 53 incidents ont été constatés: insultes, envois de lettres et graffitis antisémites sur les synagogues. Dans certaines manifestations, des opposants au vaccin ont arboré l’étoile de David avec l’inscription «non vacciné» et, dans une commune zurichoise, le slogan «Impfen macht frei» (Le vaccin rend libre) a été tagué sur des murs, accompagné de la croix gammée. La conseillère nationale Marianne Binder explique qu’on lui rétorque que de tels incidents n’ont pas forcément un caractère antisémite à la base. Elle note cependant que même si de telles choses se produisent «par pure bêtise», il s’agit d’un «aveuglement sans pareil face à l’histoire» et d’une minimisation inacceptable des atrocités de l’Holocauste.

Ralph Steigrad, membre du CSE

«Blessant et incompréhensible»

La politicienne du Centre a délibérément limité sa motion aux symboles liés au nazisme et à l’Holocauste, tandis que de précédentes tentatives ciblaient les symboles racistes et incitant à la violence en général. Leur faiblesse, dit Marianne Binder, est qu’il est difficile de lister tous ces symboles. Contrairement aux symboles nazis évidents, «qui ne relèvent certainement pas de la liberté d’expression». Les conseillers nationaux Gabriela Suter (AR) et Angelo Barrile (ZH), tous deux socialistes, ont déposé des initiatives parlementaires allant dans le même sens. En janvier 2022, la FSCI a apporté son soutien à celle-ci, pour la première fois avec une telle clarté. La faîtière des communautés juives notait que les extrémistes de droite exploitent à dessein les lacunes juridiques suisses lors de manifestations et de concerts: «Cela est blessant et incompréhensible, en particulier pour les minorités concernées.»

«Après bientôt 20 ans de discussion, la Suisse devrait agir et suivre l’exemple d’autres pays.»

Ralph Steigrad

Membre du CSE

En mars, le Conseil des Suisses de l’étranger (CSE), qui représente les intérêts de la «Cinquième Suisse» vis-à-vis des autorités et du public, s’est également prononcé en faveur de la pénalisation de toute utilisation des symboles nazis dans l’espace public. Au nom de la délégation d’Israël, Ralph Steigrad a rappelé que la Suisse discute de cela depuis bientôt 20 ans: «À présent, elle devrait agir et suivre l’exemple d’autres pays.» Ralph Steigrad a précisé que l’interdiction n’englobait pas la représentation des symboles dans les supports d’enseignement, qui resterait possible à des fins d’éducation. Malgré cela, le Conseil fédéral n'a dans un premier temps rien voulu changer et a rejeté la motion Binder. Même si l’exhibition de symboles nazis peut être «choquante», écrivait le gouvernement dans sa réponse, elle doit être considérée comme l’expression d’une opinion. Pour lui, la prévention par l’éducation est plus adaptée que la répression.

Karin Keller-Sutter, ministre de la Justice

Les experts ne sont pas unanimes

Les spécialistes du droit et de l’extrémisme qui se sont exprimés publiquement ne sont pas unanimes sur le sujet. Les uns affirment que les extrémistes de droite pourraient même se sentir confortés dans leurs vues par une dénonciation. Une interdiction générale ferait planer la menace d’un délit d’opinion. Les autres estiment que les symboles nazis sont un danger pour la cohabitation démocratique pacifique, et que l’État de droit ne peut donc pas les tolérer. Toujours est-il qu’après que le Conseil fédéral a été critiqué pour sa réticence en Suisse et à l’étranger, la ministre suisse de la Justice, Karin Keller-Sutter, s’est montrée conciliante dans les médias. La conseillère fédérale libérale a déclaré que son département examinait les actions juridiques possibles.

«Le gouvernement ne ferme pas les yeux sur la hausse des incidents antisémites.»

Karin Keller-Sutter

Ministre de la Justice

C’est également ce qu’elle a répondu par écrit à l’OSE, qui a transmis la demande du CSE au Conseil fédéral. Le gouvernement ne ferme pas les yeux sur la hausse des incidents antisémites, assure la ministre. Pour Marianne Binder, la prévention de l’antisémitisme et l’interdiction des symboles ne s’excluent pas: les deux sont nécessaires. L’autrice de la motion souligne qu’ériger un mémorial de l’Holocauste (voir encadré) tout en continuant à tolérer les symboles nazis est contradictoire. Son intervention n'a pas encore été traitée au Conseil fédéral.

Le numéro de détenu de Gino Pezzani au camp de concentration de Sachsenhausen. «Sch.» signifie «Suisse» (Schweizer).

Un mémorial officiel de l’Holocauste verra le jour

La Suisse va se doter d’un mémorial officiel pour les victimes du national-socialisme. Les deux Chambres du Parlement ont adopté à l’unanimité des interventions dans ce sens lors de la session de printemps. Au Conseil national, c’est Alfred Heer (UDC/ZH) qui a déposé l’intervention, et au Conseil des États, Daniel Jositsch (PS/ZH). Ce dernier a déclaré qu’il était nécessaire de se souvenir collectivement de cette époque funeste. L’idée du mémorial a été lancée par cinq organisations, dont l’Organisation des Suisses de l’étranger (OSE). L’objectif est de se souvenir des Suisses qui ont été persécutés, privés de leurs droits et assassinés par le régime nazi en tant que juifs ou opposants politiques. Au moins 450 citoyens suisses ont fini dans les camps de concentration de Hitler. Si l’on y ajoute les personnes nées ou vivant en Suisse, on compte plus d’un millier de victimes ayant un lien avec la Suisse. Le mémorial rendra aussi hommage aux femmes et aux hommes qui se sont opposés aux nazis ou ont offert aide et protection aux personnes persécutées. Enfin, il est dédié à tous ceux que les autorités suisses ont refusé de sauver. En acceptant le projet, le Parlement a chargé le Conseil fédéral d’élaborer des propositions de mise en œuvre. Le lieu du mémorial n’est pas encore défini. Les organisations qui ont déposé un concept auprès de la Confédération l’an dernier proposent la ville de Berne. Outre une œuvre d’art, le mémorial comprendra un lieu pour accueillir des expositions et des manifestations. Et il sera relié virtuellement avec les mémoriaux d’initiative privée déjà existants.

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Commentaires :

  • user
    Ruth Jilani Weder, Malaysia 31.01.2023 à 01:31

    Aber gleichzeitig unterstûtzen wir die Neo-Nazis, die ganz öffentlich mit tätowierten Hakenkreuzen herumlaufen und den Nazi-Kollaborateur Stepan Bandera bewundern ...

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    Gil Viry, Edinburgh, UK 31.07.2022 à 01:33
    Est-ce que la loi existante contre les comportements racistes ne suffit-elle pas pour interdire les symboles nazis?
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    Jean Meyer, Barcelone, Espagne 15.07.2022 à 21:30

    Si on limite le sujet aux juifs, on ne comprends pas que ce n'est qu'un des groupes sociaux désignés par certains extrémistes comme responsables des problèmes d'un supposé "peuple nationale". Au lieu de juifs on peut écrire étrangers, immigrants, LGTB, gitans, pauvres,..... quiconque ne répond pas à LEUR définition de la pureté du sang national. Je lis les commentaires de plusieurs personnes qui se qualifient de libérales, y de défenseuse de la liberté d'expression. Elles feront aussi partie des exclus si ces extrémistes obtiennent plus de pouvoir. Il faut arrêter d'être ingénu et tolérant avec ceux qui désignent des collectifs comme ennemis et promeuvent l'élimination du "différent".

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    Arye-Isaac Ophir, Israel 12.07.2022 à 08:27

    Als Jude ist es mir wichtig, immer wieder zu betonen, dass die Nazisymbole nicht nur Ausdruck des Antisemitismus sind, nicht nur uns Juden betreffen, sondern Ausdruck einer systematischen Entmenschlichung allumfassend gegen jedermann sind. Um so mehr wundert es mich, dass die Zivilisation überhaupt ein angeblich juristisches Problem damit hat, diese Symbolik grundsätzlich als Verbrechen zu ahnden, ganz einerlei in welchem Zusammenhang.

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    Renato, Lutz, Tucson, AZ 12.07.2022 à 01:20

    Obwohl ich im Prinzip einverstanden bin, dass ein Holocaust nie mehr statt finden soll: Das Einschränken der freien Sprache soll auch nie zum Opfer fallen. Vor was habt Ihr Angst? Es ist immer mehr die Regel, dass die linke Seite nur toleriert, was unter ihrer Sicht akzeptierbar ist.

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      Arye-Isaac Ophir, Israel 12.07.2022 à 18:05

      Ich hab nicht das geringste Problem mit freier Meinungsäusserung. Aber ich habe ein Problem damit, dass der Redner, der Darsteller, keine persönliche Verantwortung für sein zum Ausdruck Gebrachtes übernehmen muss. WARUM? Mobbing wird geahndet aber Antisemitismus nicht - wo bleibt da die juristische Logik?

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    Erich Bloch, Israel 06.07.2022 à 16:43

    Bitte keinen Geschichts-Revisionismus! Wir sprechen über Nazi-Symbole und der Missbrauch des David Sternes. Wir debattieren über die Geschehnisse in Europa im Kontext mit der Pandemie und über den Antisemitismus in Europa. Die Schweiz hat wenig Zeit gebraucht, um die Kommunistische Partei zu verbieten, braucht aber Jahrzehnte, um das Unrecht während der Nazi-Zeit aufzuarbeiten.Dies ist nicht eine juristische "Erbsenzählerei", sondern eine politische und moralische Verpflichtung.

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    Roland Aaron Moeri, Israël 06.07.2022 à 16:23

    Genau aus diesem Grund habe ich die Schweiz verlassen. Nicht nur wurde mein Restaurant mit Nazisymbolen besprayt, gewisse Personen sagten mir auch,dass sie es bevorzugen, bei einem Nichtjuden ihr Bier zu trinken. Das sind nur Kleinigkeiten,andere Aussagen will ich hier nicht wiederholen. Arme Schweiz,viele Leute haben aus der Vergangenheit nichts gelernt.

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    Rolf Müller, Rio de Janeiro, Brasilien 05.07.2022 à 17:15
    Alles gut und recht, aber wie wäre es, wenn man endlich mal den Kommunismus und seine Symbole auch gleich verbietet?
    Wenn man die Geschichte genau betrachtet, kann man feststellen, dass genau der Kommunismus mindestens 94 Millionen Menschen umgebracht hat...
    Verbietet endlich mal den Linksradikalismus!
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      Arye-Isaac Ophir, Israel 06.07.2022 à 11:54

      Kommunismus, Kapitalismus - beide sind sie eine Philosophie menschlicher Gesellschaftsform des Miteinander je nach individueller Wahl, mal benutzt zum Guten, mal missbraucht zum Schlechten. ANTISEMITISMUS gehört nicht in diese Kategorie, weil er bestimmt, dass ein Jude ausschliesslich schlecht ist, ganz einerlei welcher gesellschaftlichen Zugehörigkeit auch immer er sei, einerlei was er tut oder nicht tut, schlecht aus erblichem Grunde, hat nicht die Wahl so oder anders zu sein, hat nicht mal die Wahl gut oder schlecht zu sein, sondern IST einfach Natur gegeben schlecht - Rassismus eben.

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      Massimo Guidotti. Phuket, Thailand 07.07.2022 à 07:27

      Good

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    Sergio Paini, Australia 05.07.2022 à 15:20

    There is a very line between expressing your own conviction and a criminal offence in this matter. For how much longer do we have to " EDUCATE " people about what has been done to the Jewish population during the 2. World War. SHAME to the majority in the Federal Council an the Parliament and thank you Marianne Binder. There is just no place anywhere for Anti-Semitism.

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    Ralf Weyeneth, Niedersachsen, Deutschland 05.07.2022 à 12:24

    Es ist für mich unverständlich, dass es auch heute noch "Unverbesserliche" gibt, die aus der Vergangenheit nichts gelernt haben. Alle Symbolik und Grüße aus der Nazi-Zeit sollten wirklich unter Strafe gestellt werden. Wo es hinführen kann, sieht man u.a. nicht nur in den USA, sondern leider mittlerweile ja auch immer öfter in Europa.

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    Arye-Isaac Ophir, Israel 04.07.2022 à 09:22

    Ich schlage vor, als Zeichen echter Absicht, dem dem Kindlifrässer-Brunnen in Bern endlich den Judenhut abzusetzen. Danke!

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      Véronique Hibbard, Kanada 13.07.2022 à 19:45

      Habe mir den Kindlifrässerbrunnen genau angeschaut. Trägt der Unhold tatsächlich eine "jüdische" Kopfbedeckung?

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        Arye-Isaac Ophir, Israel 17.07.2022 à 14:20

        Ja, das ist ein Hutcharakter, der für die Juden damals Pflicht war, als Erkennungsmerkmal.

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  • user
    Edda de Muralt, France 03.07.2022 à 17:35

    Je suis allemande de naissance et je trouve que l'on devrait poursuivre ces criminels - 1 fois nous a suffit!!!!

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      Marie Braun, France 16.05.2023 à 06:27

      Oui, cela est vrai mieux vaut tard que jamais, mais QUELLE LENTEUR. Eh Suisse, réveille-toi ! Regarde autour de toi. Le monde avance et tu es encore à réfléchir à peut-être un jour éventuellement faire une loi qui condamnerait de promouvoir l'inacceptable, c'est à dire la haine de l'Autre.


      Un peu de courage s'il vous plaît !

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    Arye-Isaac Ophir, Israel 03.07.2022 à 14:37

    Besser mit Jahrzehnten Verspätung als gar nicht. Meine Hochtung für Marianne Binder!

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